Canadian Geographic a mandaté cinq artistes pour créer des œuvres à partir de déchets de plastique. Cet article est le quatrième d'une série de cinq.
Résultats? Témoignages convaincants et séduisants des effets du matériel sur notre planète.
Cet article est le quatrième d’une série de cinq.
Il s’aggisait d’un message percutant. Durant une bonne partie de 2019, tandis que les visiteurs quittaient le Ripley’s Aquarium of Canada à Toronto, ils étaient mis en présence d’un canot en argent émergeant d’une énorme vague constituée de bouteilles de plastique. Que faire de ce symbole emblématique canadien évoquant l’eau et la nature sauvage, maintenant englouties dans ces bouteilles vides qui semblent omniprésentes? Une œuvre intitulée Over Our Heads (Au-dessus de nos têtes).
Le questionnement par rapport à notre dépendance au plastique et aux déchets qu’elle génère est la principale raison d’être du programme 10 000 Changements de Canadian Geographic, Environnement et Changement climatique Canada et du Conseil du recyclage de l’Ontario. Pour ajouter à cette initiative, Canadian Geographic souhaitait inspirer la réflexion sur le plastique, à l’image de celle suscitée par l’exposition à l’aquarium Ripley. Nous avons donc mandaté cinq artistes canadiens pour qu’ils réalisent des œuvres à partir de déchets de la matière et qu’ils partagent les motivations derrière leur art pour approfondir la réflexion sur ce problème.
On compte parmi eux l’artiste même de l’exposition à l’aquarium Ripley, Rebecca Jane Houston, ainsi que Pete Clarkson, Katherine Harvey, Kerry Hodgson et Hilde Lambrechts. Certains, dont Rebecca Jane Houston, sont déjà connus pour leur art dirigé sur les déchets de plastique, tandis que d’autres incorporent le plastique dans leurs supports existants. Toutes les œuvres présentes nous inviteront à repenser le plastique. Voici la quatrième œuvre.
Du pétrole et de l’eau
Réalisée par Pete Clarkson
Un des premières grandes vérités que nous apprenons en tant qu’enfants est que l’huile et l’eau ne font pas bon ménage. Il en va de même pour le plastique et l’eau, ce qui n’est peut-être pas étonnant puisque le premier est principalement fabriqué de pétrole. Le plastique a maintenant frayé son chemin dans les océans partout sur la Terre. Il me semble que la pollution plastique dans l’océan est essentiellement un gigantesque déversement de pétrole planétaire. Bien qu’il ne soit pas aussi destructeur sur le coup qu’un déversement de pétrole liquide, ses répercussions sont réelles, et elles sont omniprésentes. Certains plastiques coulent, d’autres flottent, mais ils ne disparaissent jamais. Entre temps, les vents et les courants les répandent autour du monde.
Cette œuvre d’art est entièrement confectionnée à partir de plastique provenant des océans et d’autres débris marins recueillis des rives de l’île de Vancouver. Mon idée originale était inspirée des « entailles » de sandales noires en forme de vague que j’ai trouvées sous des morceaux de troncs d’arbres à la dérive sur une île près de Tofino. Les « vagues » noires m’ont aussitôt fait penser à un déversement de pétrole. Composées de plastique cellulaire, un produit dérivé de pétrole brut, ces entailles sont les débris de sandales fabriquées en Asie du Sud-Est. Ces sandales sont extrêmement courantes (j’en ai personnellement repéré plus de 100), elles sont offertes en une variété de couleurs et restent intactes en mer durant des décennies.
Tous les objets utilisés dans cette œuvre sont, pour la plupart, présentés tels qu’ils ont été trouvés. Je veux que l’observateur puisse les découvrir comme je les ai aperçus, avec leurs bords usés, leurs altérations causées par les intempéries et leurs surfaces naturelles intactes. Une partie de l’attrait et de l’inspiration repose sur le fait que chaque objet porte son propre récit, sa propre histoire et sa propre esthétique. En tant qu’artiste, je considère que la magie résulte du rassemblement de ces objets, créant ainsi une synergie d’ensemble tout en conservant l’expression de leurs identités uniques.
Bien sûr, il y a toujours une exception. Dans ce cas-ci, il s’agit du petit corbeau, qui a été créé par un ami et collaborateur courant, l’artiste de Tofino Dan Law. Comme il convenait, il l’a sculpté à partir d’une sandale qui se distinguait par son modèle d’éclair intégré dans la semelle. Ces sandales illustrent la pollution plastique dans les océans. Elles ont été dispersées dans l’océan depuis un contenant emporté d’un bateau dans le Pacifique au milieu des années 1990. Au cours des années, elles ont dérivé au loin et aux larges. J’ai découvert ma première en 1999 et, depuis je les ai recueillis d’Hawaii, d’Alaska, de Colombie-Britannique et même du Japon. J’en trouve encore à l’occasion. Elles témoignent de la pérennité du plastique et de sa présence dans l’ensemble des océans du monde. Elles me rappellent aussi que le vieux dicton est toujours valable : l’huile et l’eau ne se mélangent tout simplement pas.