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Repenser le plastique selon John Coyne, spécialiste canadien réputé en durabilité

L’entreprise internationale de biens de consommation Unilever – qui englobe plus de 400 marques, dont Dove, Axe, Hellmann’s, Knorr et Lipton – est l’une des plus grosses multinationales au monde. En adoptant son « Plan pour un mode de vie durable » en 2014, elle s’est engagée à réduire son empreinte écologique de moitié d’ici 2030. Au Canada, c’est John Coyne, vice-président aux affaires extérieures et à la durabilité chez Unilever Canada, qui se charge principalement de mener à bien cette mission. 

John Coyne est aussi le président exécutif de la Canadian Stewardship Services Alliance et le président de Recycle BC. Il est un chef de file reconnu en matière de durabilité dans les entreprises : sa grande expertise et sa passion l’ont mené à contribuer à l’élaboration de politiques environnementales tant au provincial qu’au fédéral. En 2015, il a fait partie du Groupe d’action en matière de changement climatique du gouvernement de l’Ontario, chargé de proposer des actions efficaces contre les changements climatiques. En 2018, il a été nommé au groupe consulatif du gouvernement fédéral sur les matières plastiques, chargé de conseiller le ministre canadien de l’Environnement et du Changement climatique dans les dossiers concernant les matières plastiques et l’adoption de la Charte sur les plastiques dans les océans, une initiative internationale. John Coyne est également le coprésident de la Coalition pour le leadership en matière d’économie circulaire, lancée en 2018 dans le but d’accélérer la transition du Canada vers une économie circulaire. 

Il a fait part à 10 000 Changements de sa vision sur la question du plastique. 

Pourquoi le Canada a-t-il besoin d’une « charte sur les plastiques »?

Les déchets de plastique sont un problème omniprésent au pays. Seul un engagement à l’échelle nationale, se manifestant par une aspiration de tous les Canadiens à éliminer les déchets – ce qu’on appelle souvent une charte –, pourra suffire à le régler. Cette charte doit définir les normes et les règles à mettre en place et à respecter pour contrer ce fléau grandissant. Nous pouvons régler le problème des déchets de plastique, mais il faut agir maintenant, tous ensemble. 

Qu’est-ce que le concept de la « responsabilité élargie des producteurs » adoptée par Recycle BC?

La responsabilité élargie des producteurs, ou la REP, est un principe établi selon lequel les producteurs et les propriétaires de marques doivent être responsables de la récupération et du recyclage des emballages et du papier qu’ils mettent sur le marché. En son essence, la REP vise à responsabiliser les producteurs : ils doivent prendre des décisions relatives à l’exploitation et aux finances pour  que leurs processus de recyclage à l’échelle provinciale ou même régionale soient assez importants et efficaces pour entraîner un changement important à long terme. Ce principe permet de compenser les activités fragmentées de municipalités, qui n’arrivent pas à étendre et à harmoniser leurs programmes de recyclage. La REP peut engendrer des investissements dans le recyclage, contribuer à l’innovation et pousser les producteurs à concevoir l’économie d’une manière plus circulaire

Quelles conséquences économique et environnementales les matières plastiques ont-elles?

Chaque année, notre économie linéaire, avec son modèle « extraire-produire-jeter », entraîne le gaspillage de milliards de dollars en matières et emballages plastiques à usage limité faits de combustibles fossiles vierges, qui ne sont utilisés qu’une seule fois pour ensuite être envoyés à la décharge, incinérés ou pire, jetés dans la nature. Ce problème est particulièrement grave dans un grand nombre de pays qui n’ont aucun service de collecte des ordures ni d’infrastructure de traitement des déchets. Bref, ce modèle économique des produits jetables est indissociable d’une énorme perte de valeur. Il faut que cela change. Les conséquences environnementales d’un tel gaspillage représentent une perte valeur encore plus importante : les écosystèmes naturels sont pollués, les systèmes aquatiques souffrent de l’assaut des microplastiques et la biodiversité se dégrade. Le besoin d’implanter une vision circulaire de l’environnement naturel et de l’économie en général est criant. Le gaspillage est un résultat inacceptable pour un modèle économique; il faut considérer notre environnement naturel dans cette optique. 

En quoi déchets plastiques contribuent-ils aux changements climatiques?

L’utilisation de combustibles fossiles dans la production d’un volume et d’un éventail de plastiques de plus en plus grands entraîne l’émission de plus de gaz à effet de serre que le recyclage des matériaux dans une cycle renouvelable. Une telle utilisation ralentit notre transition vers un société et une économie plus verte. Et c’est sans parler des pollutants que nous continuons de rejeter dans notre environnement naturel. 

Faudrait-il une stratégie nationale pour contrer la pollution des océans causée par le plastique?

Seule une approche coordonnée à l’échelle nationale peut permettre d’atteindre le degré d’efficience et d’efficacité pour avoir un effet décisif. Bien qu’on ait entrepris de bonne foi un certain nombre d’initiatives locales, il est évident que l’ampleur du défi auquel nous faisons face demande des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux une volonté déterminée d’instaurer des politiques communes. Celles-ci doivent s’étendre à tous nos environnements aquatiques, tant océaniques qu’intérieurs. Il nous faut une nouvelle approche ambitieuse pour faire bouger les choses. 

Quel est le rôle du recyclage dans une modèle économique circulaire?

Le recyclage (ou plus simplement : la réutilisation) est une composante essentielle de l’économie circulaire : il englobe plusieurs activités sans lesquelles cette économie est impossible. Le recyclage permet aux producteurs de tenir compte de la réintégration des matériaux lorsqu’ils conçoivent leurs produits. Il s’agit d’un façon moderne de voir la manière dont nous accomplissons diverses tâches de nature économique, les motivations derrière celles-ci et la philosophie sur lesquelles elles s’appuient. Le recyclage réduit le gaspillage et maximise la valeur et l’utilisation des produits, ce qui atténue les conséquences environnementales.