Entretien avec Sarah King
Basée à Vancouver, Sarah King est responsable de la campagne Océans et plastique de Greenpeace Canada. Qu’il s’agisse d’inciter les grandes entreprises de fruits de mer à repenser leur chaîne d’approvisionnement ou de favoriser un avenir sans plastique en tenant les entreprises responsables du problème croissant de la production de plastique et de la pollution qui en découle, King se consacre à a protection des océans et des collectivités qui en dépendent depuis plus de dix ans. Elle a partagé quelques réflexions sur son travail avec l’initiative 10 000 Changements.
À propos des raisons pour lesquelles il n’y a pas davantage de plastique qui est recyclé au Canada
Les taux de recyclage du plastique sont faibles en raison d’une foule de défis qui sont amplifiés par la production excessive de plastique. Il est impossible de procéder à la collecte et au traitement de tout ce plastique et, à cause du surplus, le recyclage est moins rentable. Si on ajoute à cela la complexité de recycler des plastiques qui se présentent sous diverses formes, le fait que le plastique est facilement contaminé et que ce ne sont pas toutes les administrations qui peuvent recycler tous les types et les emballages de plastique, il n’y a pas à s’étonner de ces taux si catastrophiques. [Note de la rédaction: les rapports signalent que seulement neuf pour cent du plastique est recyclé au Canada.] Même les plastiques les plus couramment recyclés, comme les bouteilles en PET, aboutissent régulièrement dans les sites d’enfouissement ou dans l’environnement. Le recyclage du plastique est bien différent de ce que la plupart des gens s’imaginent. La production du plastique est appelée à croître et nous avons beaucoup de chemin à faire avant d’atteindre un taux de recyclage qui correspond à l’échelle de notre problème de production de déchets.
À propos de la quantité de plastique qui aboutit dans l’océan et de la menace que cela pose
Des plus de 3 millions de tonnes de déchets plastiques que produit le Canada chaque année, on estime qu’environ 1 pour cent aboutit dans l’environnement. Cela équivaut à quelque 30 000 tonnes de pollution et il s’agit probablement d’une estimation conservatrice. Nous ignorons précisément quelle est la quantité qui se retrouve dans nos océans, mais nous savons qu’à l’échelle mondiale l’équivalent d’un camion à ordures de plastique est déversé dans nos océans chaque minute. Nous sommes tous liés par les océans, et la pollution plastique se propage par le vent, les cours d’eau et même par l’air sous la forme de microplastique. Nous savons qu’il y a de la pollution macroplastique et microplastique au large des trois côtes du Canada et dans tous les environnements terrestres et autres environnements aquatiques au pays. Un nombre croissant d’études et d’articles parlent de l’effet souvent mortel du plastique sur la faune marine, et la vie dans les océans ne peut échapper à la soupe de plastique qu’est devenu son habitat.
À propos de ce que les chaînes de supermarchés au Canada peuvent faire pour réduire l’emballage plastique
Les chaînes de supermarchés au Canada doivent s’engager à renoncer au plastique à usage unique et a l’emballage jetable, et passer à un modèle d’offre de produits où les articles ne sont pas emballés, et sont présentés en vrac ou en format remplissable, et dans un conditionnement réutilisable et retournable. Les grandes chaînes de supermarchés au Canada doivent offrir ces options à tout le monde. Cela ne veut pas dire que le client est le seul responsable de l’élimination du plastique pendant ses achats, mais plutôt qu’il faut trouver les moyens pour encourager et aider les clients à apporter et à utiliser des contenants réutilisables.
À propos de l’interdiction du plastique à usage unique
Tout comme d’autres substances toxiques et polluantes, le plastique à usage unique doit disparaître dans le cadre d’une éventuelle élimination progressive de tous les plastiques non essentiels. Nous produisons trop de plastique et même si nous en coupions la production ou la distribution de moitié, nous serions incapables de gérer un tel volume. La seule façon de lutter contre l’épidémie est de la juguler à la source. L’interdiction de certains types de plastique par d’autres administrations a eu des effets positifs, mais à cause de l’accumulation actuelle de plastique dans l’environnement il faudra du temps pour en voir tous les bienfaits. Il est évident que le recyclage et l’assainissement seuls ne pourront résoudre le problème.
À propos de la « révolution du réutilisable »
La « révolution du réutilisable » est un mouvement grandissant composé de personnes, ainsi que d’entreprises et de gouvernements progressistes qui voient que notre système linéaire de type « extraction-fabrication-déchet » est brisé et qu’il faut passer à des modèles d’offres de produits véritablement circulaires et zéro déchet fondés sur la réutilisation, un principe souvent oublié. C’est un cri de ralliement axé sur les solutions, destiné à exhorter les entreprises de biens de consommation et les gouvernements à passer à l’action et à offrir leur soutien pour trouver une approche novatrice et proactive qui nous permettrait de nous procurer nos besoins quotidiens et d’autres produits et services.
À propos du décalage entre la politique de recyclage du plastique du gouvernement fédéral et la réalité
Le gouvernement Trudeau précédent s’est engagé à la Stratégie zéro déchet plastique. Il a promis l’interdiction du plastique à usage unique dès 2021, et la mise au point d’un plan pour réduire la production de déchets, la création de programmes de responsabilité élargie des producteurs dans tous les territoires et provinces pour tenter d’accroître les taux de recyclage, et l’adoption d’autres mesures pour lutter contre la pollution plastique. Malheureusement, le gouvernement n’a pas vraiment abordé le besoin de couper la production, ni reconnu que le système linéaire actuel axé sur l’élimination ne fonctionne pas, ni réalisé d’investissement pour favoriser l’innovation en matière de réutilisation. Il a plutôt investi dans la production de plastique et transfère une partie de nos déchets plastiques dans le Sud. Selon Greenpeace, mettre l’accent sur le recyclage n’est pas la solution, et bien qu’il faille améliorer la collecte et les taux de recyclage, nous ne réussirons jamais si nous ne coupons pas immédiatement la production.