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Un toxicologue des mammifères marins au Canada nous parle de la crise du microplastique

Ross au Vancouver Aquarium Marine Science Centre analysant des échantillons d'eau. Photo prise par Steven Hargreaves

Peter Ross est vice-président à la recherche chez Ocean Wise, une organisation de conservation mondiale basée à l’Aquarium de Vancouver, et directeur général du Coastal Ocean Research Institute. Les dix programmes de recherche qu’il supervise chez Ocean Wise mettent l’accent sur la science de la conservation. Spécialiste international de la pollution marine, Ross a lancé le Programme de recherche sur la pollution océanique en 2014, dont l’objet de recherche principal est la pollution des océans causée par le microplastique. Il explique dans le présent article la nature et la grande importance de son travail.

À propos des objectifs du Programme de recherche sur la pollution océanique

Le Programme de recherche sur la pollution océanique vise à fournir des conseils fondés sur les données scientifiques quant à la source, le devenir et les effets de polluants prioritaires dans l’océan. Parmi les sujets d’un intérêt tout particulier, notons : sécurité des aliments traditionnels de la mer pour les collectivités autochtones côtières, rétablissement des espèces en voie de disparition vulnérables à la pollution, science relative aux déversements d’hydrocarbures et pollution par le plastique. Nous avons pour objectif de favoriser des changements positifs grâce à des recherches pertinentes.

À propos des sources du microplastique marin

Le microplastique constitue une nouvelle menace pour les océans du monde. Il correspond à toute particule de plastique qui fait moins de cinq millimètres et comprend les microplastiques primaires (conçus pour être petits, comme les microbilles) et secondaires (fragments d’articles de plastique de plus grande taille). Le zooplancton, les petits poissons et d’autres espèces au bas de la chaîne alimentaire ingèrent du microplastique qui peut ensuite bloquer ou endommager leur système digestif, ou bien les rassasier artificiellement. Nous avons découvert que les fibres constituent l’élément principal de la pollution par le microplastique, et les résultats scientifiques pointent du doigt le lavage des vêtements comme source importante éventuelle. Nous travaillons maintenant avec de grands détaillants de vêtements pour les conseiller sur la façon de régler le problème de la libération de microfibres des produits textiles.

À propos de l’endroit où l’on trouve du microplastique marin

Le microplastique se compose de particules de densité différente qui peuvent aussi être usées ou altérées dans l’environnement. Ces caractéristiques dictent comment la particule cheminera dans l’environnement et où elle se retrouvera. Par exemple, comme le PVC est plus lourd que l’eau douce et l’eau salée, il aboutira probablement dans des sédiments au fond de lacs, de rivières et d’océans. Comme le polystyrène est plus léger que l’eau, il flottera habituellement à la surface où il pourra demeurer longtemps, ou bien il se retrouvera sur nos berges. Toutefois, la plupart des particules de microplastique sont d’une densité similaire à celle de l’eau de mer et présenteraient ainsi une flottabilité neutre. Conséquemment, les environnements aquatiques sont aux prises avec des particules dans toute la colonne d’eau où les invertébrés et les poissons peuvent les prendre à tort pour de la nourriture.

À propos de l’impact destructeur du microplastique sur la vie marine

Nous savons que des articles de plastique de grande taille peuvent s’emmêler autour d’espèces charismatiques, comme les tortues de mer, les oiseaux de mer et les mammifères, ou les asphyxier, les noyer ou les faire mourir de faim. Les scientifiques observent de plus en plus que des créatures de toute taille ingèrent du plastique. Comme les individus faibles, malades ou moribonds sont rapidement attaqués ou mangés, il est difficile de prouver un effet préjudiciable dans un contexte réel, mais des résultats obtenus en laboratoire indiquent que le microplastique a une incidence sur la reproduction, la croissance et la survie d’invertébrés et de poissons dans des conditions contrôlées. De plus amples recherches sont en cours pour examiner cette question importante.

À propos de la menace que pose la pollution par le microplastique pour la vie humaine

De plus en plus de résultats laissent croire que les gens dans le monde entier ingèrent du microplastique par l’entremise d’aliments, de boissons et de l’eau. Des questions subsistent à savoir si le microplastique peut se décomposer en minuscules particules qui pourraient alors traverser l’intestin et se retrouver dans la circulation sanguine ou les tissus et entraîner des dommages, ou bien si des perturbateurs endocriniens associés au plastique ne pourraient pas être absorbés. L’Organisation mondiale de la santé a conclu récemment qu’il n’y a aucun résultat probant qui laisse croire que le microplastique représente une menace importante pour la santé humaine. Nous aurons besoin de plus de données pour étayer cette perspective et le principe de précaution dictera le besoin de prendre des mesures.

À propos de la réduction des déchets de plastique

La chose la plus importante que nous pouvons faire pour réduire la quantité de déchets de plastique est de boucler la boucle de l’économie du plastique. Cela ne veut pas dire que nous devons arrêter de fabriquer des choses en plastique, mais plutôt qu’il faut fondamentalement changer la façon dont nous concevons, bâtissons et gérons notre économie du plastique : améliorer la recyclabilité grâce à des conceptions plus durables, élargir les solutions de rechange au plastique non réutilisable, améliorer les systèmes de recyclage, créer des possibilités sur les marchés secondaires, peaufiner les systèmes de traitement des eaux usées pour les ménages et les villes, et créer de solides mesures d’encouragement pour les innovateurs.